Ile de Pâques, 6-11/5.
Comment ne pas se sentir au bout du monde lorsqu’on est à 2000 km de la première île habitée ? L’Ile de Pâques est à mi-parcours entre notre étape précédente, à Tahiti (4200 km) et notre stop au Chili (3700 km) avant de rejoindre le Brésil.
Initialement, on ne devait y rester que 3 jours, ce qui est normalement
largement suffisant pour faire le tour de ce bout de terre volcanique de 117 km2
mais la disponibilité des vols de la seule compagnie (LAN) qui ne dessert l‘île qu’une seule fois par jour en a décidé
autrement ! Mais finalement pour notre plus grand plaisir…
L’île est effectivement toute petite et en 2 jours bien
optimisés on peut faire les 2 principales boucles, mais ce serait insuffisant
pour se laisser pénétrer par l’atmosphère particulière et le mana qui existent sur ces terres
mystérieuses. Si l’intérieur des terres a été largement transformé par l’Homme
en éliminant la quasi totalité des forêts pour le transport des moai, le bord de mer est quant à lui ultra
sauvage avec des rochers noirs comme du charbon et aiguisés comme des silex sur
lesquels viennent se fracasser avec une force inouïe de gigantesques vagues.
Elles s’écrasent sur les reliefs avec un boucan assourdissant générant des
projections qui peuvent facilement dépasser les 10 m. C’est bien simple, depuis
le début de notre voyage, on n’a jamais vu d’aussi grandes vagues et elles sont
d’autant plus impressionnantes qu’on peut s’en approcher de très près et la
hauteur des rouleaux font penser aux images de tsunami qu’on a pu voir à la
télé ! On reste hypnotisé par ce spectacle et on en oublie presque d’aller
voir les statues !!
Pour nous familiariser avec l’héritage de Rapa Nui, on commence doucement par la
visite de Ahu Tahai au nord d’Hanga Roa, la capitale. Je ne vais
pas relater ici l’histoire de l’Ile de Pâques (y a Wikipedia pour ça !!)
mais un ahu est un village cérémonial
composé d’une large place devant un, ou une plateforme, de plusieurs moai qui représentent des illustres
ancêtres (et non des dieux… ou des extra-terrestres !!!). Certains ahus peuvent avoir des maisons pour les
dignitaires de la tribu, des sites de crémation ou des rampes “pavées“ pour
accéder directement à la mer.
Au bout d’Ahu Tahai, il y a l’excellent Musée Antropologique Sebastian Englert qu’on conseille vivement de
faire avant de débuter la visite de l’île pour comprendre la culture et les
traditions d’antan. On y apprend que 887 moai
ont été recensés à Rapa Nui dont seulement 288 ont été transportés et érigés
sur un ahu.
On a loué un 4x4 pendant 2 jours pour effectuer les 2
boucles : au Nord-Est, le
premier jour et au Nord, le deuxième.
Vu les distances, on peut également les faire en VTT en partant un peu plus
tôt… Il y a également des agences qui proposent des circuits à cheval ou en
quad. Pour la location de voiture, on a l’embarras du choix dans la rue
principale chez un loueur “officiel“ qui propose des véhicules récents (50.000
CLP la journée, environ 66 €). On a opté pour une autre solution qui consiste à
emprunter le 4x4 “éprouvé“ d’un local qui le lâche à 30.000 CLP la journée.
C’est économique et on ne s’embarrasse pas avec la paperasserie, il n’y a ni
caution, ni tour du véhicule. Vu l’état de la bagnole, ce n’est pas une rayure
de plus qui va changer quelque chose et il faut juste la rendre avec le plein
fait à l’unique station de l’île. Je conseille un 4x4 car autant la boucle
Nord-Est est bitumée en grande partie, autant sur la piste du Nord, il y a de
bonnes crevasses et des petites montées où il est nécessaire d’enclencher les 4
roues motrices !
Le volcan Rano Kau
(410 m) offre des images insolites et inédites. Son très large cratère (1600 m
de circ.) est couvert de végétation du sommet jusqu’à la surface du lac qui
remplit son fond. Ce “marais“ est totalement hallucinant avec ses herbes vertes
et ses trous d’eau bleu royal qui reflète la couleur du ciel. On dirait un énorme
chaudron dans lequel mijote une mixture magique !!
Le Village Cérémonial
d’Orango qui marque le changement progressif du culte des moai (qui ont été tous renversés) à
celui de l’homme-oiseau et du Dieu make-make.
Chaque année, les meilleurs représentants de chaque tribus s’affrontaient en
sautant du haut de la falaise pour nager jusqu’à Motu Nui, un minuscule îlet se trouvant en face, pour l’escalader,
trouver un nid et ramener un œuf de manutara.
Nombreux d’entre eux trouvaient la mort dès le premier plongeon en se
fracassant contre la falaise, d’autres mourraient de faim en attendant des
jours voire des semaines que le fameux oiseau ponde son œuf. La sélection
naturelle et peut-être un peu la chance aussi, élisaient le nouveau tangata-manu, l’homme-oiseau. La dernière
compétition a eu lieu en 1867 (approx.). Dans le village, on trouve les maisons des chefs et des
prêtres ainsi qu’une prolifération de pétroglyphes
dont certains sont sérieusement abîmés par l’érosion.
Le circuit continue le long de la côte où les chevaux sont
laissés en liberté, renforçant l’atmosphère sauvage de l’île.
Ahu Vinapu...
… et ses vagues
Ahu Vaihu
Ahu Aka Hanga
Le volcan Rano Raraku
est la carrière et l’atelier de confection des moai. On peut en voir à différentes étapes de leur façonnage dont
le plus grand de l’île (21,60 m) qui ne sera jamais fini ! En tout, 397
statues sont recensées dans cette carrière, non achevées ou en attente de leur
transport. C’est aussi un paradis pour les photographes car les moai sont d’excellents sujets et on peut
s’amuser à les prendre sous tous les angles, avec des réglages et des
expositions différents pour faire ressortir au mieux, la texture de la pierre,
le bleu du ciel ou le vert de l’herbe…
On peut contourner le volcan pour grimper jusqu’au fond du cratère et y trouver un paisible lac entouré de quelques moai.
Ahu Tongariki, le
site le plus célèbre de l’Ile de Pâques avec une plateforme de 15 moai. Sa restauration est due aux
efforts d’une société japonaise qui a œuvré de 1992 à 1995 pour remettre en
station debout toutes les statues dont l’une dispose encore de son pukao, le “chapeau“ cylindrique taillé
dans la carrière de scorie rouge du volcan Puna
Pau (voir plus bas)
Pu O Hiro, un
rocher derrière lequel un homme s’agenouillait pour souffler à l’intérieur et dont
la musique incitait la mer à offrir une pêche abondante.
A Papa Vaka, on
peut observer de larges pétroglyphes qui tout comme ceux d’Orango sont
sérieusement érodés par les éléments.
Ahu Te Pito Kura
dispose du moai érigé le plus grand
(9,80 m). Mais depuis “Paro“ est
tombé, reposant le nez dans l’herbe avec son pukao à quelques mètres ! Difficile de s’enthousiasmer car
l’ahu ne ressemble guère qu’à un amas de pierres, beaucoup moins conservé que
les autres sites. Paradoxalement c’est pourtant l’un des plus “récents“… ou à
moins qu’on soit déjà blasé après avoir vu Tongariki !!
Sur le côté gauche de la plateforme, on peut voir la pierre ronde
sacrée te pito kura, aux vertus magnétiques
qui a donné son nom au site.
Ahu Nau Nau sur
la plage d’Anakena est sûrement le
site le plus surprenant car on ne s’attend pas à trouver ici une plage de sable
blanc entourée de cocotiers. Les locaux y viennent pour le WE et les touristes
en profitent pour se dorer la pilule entre 2 visites !
L’île de Pâques n’est pas avare en matière de couchers de
soleil fabuleux et je prends quelques clichés qui pourront certainement
inspirer ma petite Maman pour ses prochains tableaux…
La boucle Nord est moins impressionnante mais demeure plus
sauvage et ne manque pas de curiosités, à commencer par le cratère de Puna Pau où étaient sculptés les
“chapeaux“ rouges (pukao) des moai. Vingt d’entre eux sont dispersés
sur le site dans un état assez avancé d’érosion, la scorie n’étant pas la
pierre la plus résistante face aux éléments naturels !
En continuant sur la route de plus en plus défoncée où il
n’est pas rare de passer à côté d’une carcasse de cheval ou de vache en cours
de décomposition (!!!), on arrive à Ahu
Akivi qui comporte 2 originalités. La première étant qu’il est le seul site
non situé au bord de la mer. La deuxième étant qu’il est le seul ahu dont les 7 moai sont tournés vers l’océan, car le village cérémonial se trouve
entre la plateforme et la mer. Les moai
faisaient partis de la Vie des tribus et pour cette raison, ils devaient
toujours “regarder“ vers la place principale où se réunissaient les habitants.
Ainsi sur tous les autres sites avec des plateformes construites au bord de
l’océan, ils ont été érigés dos à la mer.
Le circuit du Nord est également très riche en galeries
souterraines, autrefois des tubes de laves, offrant une protection naturelle
aux habitants de cette partie de l’île. Ana
Te Pahu est une succession de longues galeries dont certaines sont ouvertes
vers le ciel et permettaient la plantation de patates ou de bananiers.
Ahu Tepeu
comporte plusieurs statues renversées mais son intérêt réside dans la présence
de fondations de maisons elliptiques (hare
paenga, la maison “bateau“) et d’autres rondes avec un mur mitoyen formant
un “8“. Plus haut sur la colline, on observe les bûchers funéraires.
Ana Te Pora
possède des tubes souterrains mais surtout une caverne au bord de la falaise
qui servait de place cérémoniale.
A Ana Kakenga, on
a une vue splendide du haut de la falaise sur le spectacle interminable des vagues
furieuses qui se fracassent sur les rochers 20 m plus bas ou sur l’îlet juste
en face, Motu Tautara. Après chaque
passage, l’eau suinte de la roche de toute part et se déverse dans des mousses
d’écumes immaculées. A nouveau hypnotisé, je pourrai rester des heures…
Sur le site, il y a également une galerie où l’on pénètre
par un “trou de souris“ en se pliant en 4 (grande asperge d’1m90 pas très
souple, s’abstenir) !! Pour sa tête, son dos et ses chevilles, il vaut mieux
prévoir une torche car on se retrouve pendant près de 50 m dans le noir complet
avant que le conduit ne se sépare en 2, débouchant enfin sur la falaise.
L’Ile de Pâques est réellement un endroit magique, baignée
d’histoires fantastiques et tragiques sans compter l’héritage laissé grâce à
ses fascinantes statues. La transmission orale de son Histoire ayant été
interrompue par les guerres de clans ou les intempéries (tsunami, tremblement
de terre…), elle demeure mystérieuse en étant l’objet de nombreuses
interprétations et théories…
Outre la découverte de son patrimoine unique, on peut aussi
y faire du surf, de la plongée et du VTT. La nourriture y est excellente avec
un large choix de poissons frais (notamment cru, en céviche) ou de fruits de
mer.
Aujourd’hui la population et l’art de vivre sont issus d’un
mélange très intéressant de culture polynésienne, de colonisation européenne et
d’influence sud-américaine avec le Chili auquel l’île a été annexée en 1888. Le
tout en fait un territoire original qui pourrait être un pays à part entière où
l’on se sent réellement au bout du monde même sans tenir compte de sa position
géographique…
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