Voilà 9 heures qu’on parcourt les pistes ensablées du Kgalagadi National Park à bord de notre
4x4 désormais totalement envahi par la poussière. Nous sommes partis tout juste
après l’ouverture des portes à 7h de Twee
Riveren, poste frontière entre l’Afrique du Sud et le Botswana. On a
rejoint pour le lunch le camp de Mata-Mata,
point d’entrée sur le territoire namibien, avant de revenir par le même chemin.
L’aiguille du compteur a rarement dépassé les 30 km/h pour nous laisser le
temps d’apercevoir les animaux tant attendus.
Le paysage est totalement différent de notre première
visite. Les dunes de sable rouge se sont couvertes d’un épais tapis d’herbes folasses.
Dans le désert à la fin de l’été, des orages éclatent en fin de journée et cela
suffit à donner vie à une végétation dense dans un nuancier de vert pastel,
tirant vers le jaune lorsque le soleil devient rasant. Ces herbes hautes
rendent l’observation beaucoup plus difficile. Surtout qu’une légère brise
s’occupe d’animer ce tapis hirsute.
Le panneau qu’on vient de passer indique seulement 40 km
avant la porte de Twee Riveren. Sachant
qu’il y a rarement des fauves sur les 10 derniers km, nos chances de rencontre diminuent
à chaque tour de roue. Je commence à ressentir une vieille fatigue qui se mêle
à une petite déception. Je ralentis comme pour retarder la terrible constatation
qui hante mon esprit : 4 voyages en Afrique du Sud et je n’ai toujours pas
aperçu un guépard ou un léopard dans son environnement naturel !
On aurait pu s’offrir un safari dans une réserve privée avec
un ranger qui connaît parfois la localisation exacte des grands fauves, notamment grâce à des
colliers GPS. Mais quand on a davantage le temps, il est tellement plus palpitant
d’aller « à la chasse », en parcourant les milliers d’hectares des
Parcs Nationaux pour espérer apercevoir son animal fétiche.
Lors de notre première visite du parc, on avait déjà pu
apercevoir d’innombrables spinkbok, oryx
et autres gnous mais notre meilleur souvenir reste la rencontre d’un groupe de
4 jeunes lions mâles jouant dans les premiers rayons du soleil du matin (voir article).
On est loin d’être blasé de rencontrer le roi de la jungle mais on a déjà eu la chance de le croiser à plusieurs reprises, au Kruger et à l’Addo National Park.
On est loin d’être blasé de rencontrer le roi de la jungle mais on a déjà eu la chance de le croiser à plusieurs reprises, au Kruger et à l’Addo National Park.
En revenant, l’objectif était donc clair : voir des cheetahs !! Avec une large population
de fauves, le Kgalagadi offre la meilleure probabilité de croiser ces gros
chatons.
On a voulu augmenter nos chances en programmant 3 jours d’exploration
mais la pompe à eau de notre 4x4, affichant bientôt 200.000 km au compteur, en
a décidé autrement. Rendant les armes un vendredi soir à 250 km avant l’entrée
du parc, elle nous a immobilisés pendant 4 jours, le temps que le week-end se passe
et qu’une pièce de rechange arrive par avion de Cape Town. Upington semble une ville maudite pour la mécanique… ou pour
nous. Déjà lors de notre première visite, c’est ici que la clim’ de notre VW Combi
de location avait cessé de fonctionner. C’était aussi un vendredi et trop impatients, nous avions renoncé à effectuer la réparation malgré les 40° ambiants !!
Bref, je ressasse ces idées dans ma tête et je place tous
mes espoirs dans les derniers km. La veille à la même heure, on avait aperçu un
lion mâle qui se réveillait difficilement de sa sieste et qui était particulièrement
difficile à photographier dans les hautes herbes vertes et jaunes. Qui sait ?
Peut-être est-il de retour ce soir avec quelques-uns de ses congénères ?
Ce serait un beau lot de consolation avant notre départ de la région.
Le plus beau moment de cette journée fut la rencontre avec
un troupeau de girafes, une bonne vingtaine. J’ignorai totalement qu’il y en
avait dans le Kgagaladi et surtout nous n’en avions jamais vu autant en une
fois. Les voir évoluer dans la savane est toujours un spectacle magnifique. Leur
démarche qui fait onduler leur long cou leur confère une grâce exceptionnelle.
C’est cette image que je garderai en tête si on ne rencontre rien d’autres
avant la sortie.
Mais après quelques km, au détour d’un virage, on aperçoit 3
véhicules arrêtés sur le côté gauche de la piste. Ils sont garés assez éloignés
les uns des autres, ce qu’on fait en général pour ne pas déranger les animaux,
de peur de les voir partir, surtout lorsqu'il s'agit de gros "clients".
Arrivant à leur hauteur, on repère vers où sont braqués les
objectifs et il ne faut qu’une seconde pour cibler l’ombre d’un grand arbre. La
végétation dissimule ce qu’on est sensé apercevoir mais au milieu des longues herbes
qui dansent avec le vent, on distingue clairement que ça bouge.
Je m’arrête fébrilement et éteint le moteur. Adèle me tend
mon appareil photo qu’elle a déjà préparé sur ses genoux et je vise le terrain
ombragé. A ce moment, une tête émerge au-dessus des herbes et l’excitation m’envahit.
De petites oreilles, un pelage court tacheté avec des traits noirs qui courent
des yeux aux babines… BINGO BINGO BINGO, notre premier guépard !
A mieux y regarder ce n’est pas 1 fauve mais 2… 3… 4… non 5
qui se réveillent paisiblement de leur sieste. Après toutes ces heures à rouler
sur les pistes des parcs du Kruger, de Mountain Zebra, d’Addo et bien d’autres,
désespérant d’en voir un jour, c’est ici, à 30 km de la porte qu’on découvre 5 cheetahs d’un coup ! Tout
simplement génial !!
A l’extrémité gauche, deux guépards jouent ensemble en se
mordant et se balançant des coups de pattes. Les deux du centre semblent encore
somnoler et n’accordent que peu d’intérêts au tendre chahut de leurs voisins.
Tout à droite et un peu plus à l’écart, le guépard qu’on avait repéré en
premier est le plus éveillé. Il relève la tête régulièrement, comme à l’affut de
chaque bruit, de chaque odeur qu’il perçoit, puis il se recouche.
Après ce moment d’excitation, je réalise que je suis très
mal positionné pour les prendre en photos et surtout du mauvais côté. Hésitant
et scrutant la moindre réaction du groupe, je rallume mon moteur. Personne ne
bouge et je commence à avancer doucement. Je parcours une centaine de mètres
avant de faire demi-tour pour revenir et me placer correctement cette fois. Nos
5 fauves n’ont absolument pas prêté attention à ma manœuvre, ni à un autre
véhicule qui s’est arrêté en amont de la piste.
Le guépard légèrement à l’écart relève la tête de plus en
plus souvent. Je regarde la pendule du tableau de bord et calcule combien de
temps on pourra rester, avant de devoir parcourir les 30 derniers km pour
atteindre les portes du parc qui ferment à 18h.
Ça y est, notre cheetah
ne se couche plus. Il scrute l’horizon et semble être captivé par quelque chose
vers l’Est. Il baille nonchalamment pour nous exposer ses crocs acérés et puis
il se relève sur ses pattes avant. La sieste est finie !
Dressé sur ses pattes antérieures, droit comme un « i »,
le torse bombé et la tête à l’affut… que cet animal est magnifique !! Il
ne nous accorde aucune importance jusqu’à que son regard perçant et envoûtant à
la fois se fixe dans mon objectif. J’en ai presque oublié d’appuyer sur le
déclencheur ! Il se lève sur ses 4 pattes et donne le signal à son voisin
qui l’imite aussitôt. Après un bâillement simultané, les 2 partagent un câlin
du bout du museau tel un « bisou d’esquimaux » !


Notre guépard meneur regarde une dernière fois tout autour
de lui avant de se mettre en marche… dans notre direction !! Il continue d’avancer
avec son congénère qui lui emboîte le pas. Instinctivement, je remets le
contact pour remonter un peu les fenêtres. Il est désormais tout prêt, 5 m sur
la droite. Il marque un arrêt et une nouvelle fois son regard transperce mon
objectif, comme pour évaluer si notre 4x4 pourrait être un danger pour sa
petite meute.
Jugeant que non, il traverse tranquillement la piste juste
devant notre capot. Beaucoup trop près pour mon téléobjectif et j’abandonne
quelques instants l’œilleton de mon reflex pour vivre pleinement ce moment,
sans aucun filtre. Adèle quant à elle, bascule en mode vidéo et commence à
filmer. La démarche de notre fauve est souveraine, stylée, supérieure mais sans
être fière, aucune crainte ne trouble son regard. A ce moment précis, je sais
que j’ai un nouvel animal fétiche et qu’il faudra encore parcourir de nombreux
km de piste pour en voir davantage…
Ensuite les 2 premiers guépards débutent la montée de la
petite butte sur notre gauche avant de s’arrêter à mi-hauteur pour vérifier la
progression des 3 retardataires. Dès que ces derniers ont également traversé la
piste, les 2 éclaireurs continuent leur progression jusqu’au sommet et marque
un nouveau stop de vérification. Les 3 derniers fauves, pas vraiment réveillés
sont décidemment plus lents et cette fois, nos 2 meneurs attendent qu’ils
arrivent à leur hauteur. L’image du groupe réuni sera la dernière avant que nos 5
guépards s’éclipsent totalement derrière la colline.
En tout, notre arrêt a duré 20 minutes. Excités et fébriles comme
2 gamins à la veille de Noël, on réalise à peine qu’on a attendu ce moment
depuis si longtemps. Une rencontre inespérée après avoir parcouru 210 km de
piste poussiéreuse, dont la fatigue a été totalement effacée par les 20
dernières minutes. Un moment définitivement magique que je pourrai difficilement
oublier !

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