Granada, Laguna de Apoyo, 4-9/3.
Durant nos 3 mois au Costa Rica, à chaque fois qu’on discutait du Nicaragua avec quelqu’un en avançant qu’il s’agit de notre prochaine destination, la réaction était toujours la même : « Oh, il faut absolument que vous visitiez Granada !! ». Certains sont même encore plus radicaux et n’estiment que seule cette ville vaille une escapade dans le pays. Granada est « l’autre » ville coloniale, fief des conservateurs et grande rivale de León, la libérale. Pour mettre fin à de nombreuses années d’opposition et de guerre civile entre les deux provinces, la ville de Managua fut créée à mi-chemin et déclarée capitale du Nicaragua en 1852. Mais nous ? Laquelle préfère-t-on ? Pour en juger, partons pour une petite ballade…
Pour rejoindre Granada
depuis Las Penitas, notre précédente
étape, il faut emprunter 3 bus via León et Managua. Cela peut paraître long mais
les transports au Nica sont bien rodés
et on n’a pas dû attendre plus de 15 minutes à chaque connexion, soit un peu
plus de 3h30 au total. C’est surtout le moyen le plus économique de se
déplacer : Las Penitas-León, 12
cordobas (0,45$) ; León- Managua,
51 cordobas (1,90$) ; Managua-Granada,
25 cordobas (0,90$). Soit moins de 3€ au total pour 160 km !!
Granada est
surnommée la Grande Sultane en raison
du style « andalou mauresque » de ses bâtiments. Tout comme León, elle a été fondée en 1524 par Francisco Hernández de Córdoba (le gars de la statue !).
Au pied du volcan Mombacho (1345 m) mais
surtout au bord du Lago Nicaragua (Cocibolca), la ville dispose d’un accès
stratégique à la mer des Caraïbes via le Rio
San Juan qui a fait rapidement sa grande richesse. Ce qui n’a pas manqué
d’attirer la convoitise des pirates boucaniers qui mirent à sac la cité à
plusieurs reprises, dont le cruel capitaine Henry
Morgan immortalisé par une marque de rhum !
Aux premiers abords, Granada
est plus flamboyante que son ancienne rivale. Les bâtiments sont mieux
conservés ou plutôt mieux restaurés. Ici, l’industrie du tourisme a pris pied
depuis bien longtemps. Les plus belles demeures du centre ont été reconverties
en hôtel de charme avec de superbes jardins et bien souvent une piscine. La Calle La Calzada est bordée de
restaurants, de bars, de guesthouses et d’agences proposant des tours ou des
sorties en bateau sur le lac.
Autour du Parque
Central, une file de calèches, toutes aux couleurs d’un opérateur
téléphonique, attendent les touristes pour leur faire faire le tour des
monuments de la cité (10$ pour 1h).
A l’opposé, à peine cachée par les arbres, l’imposante
façade jaune et les toits rouges de la Cathedral
attirent immédiatement le regard et l’objectif de mon appareil photo. Construite
en 1880 sur les ruines de l’ancienne église détruite par le flibustier William Walker, elle constitue le
symbole le plus célèbre de la ville. Son architecture est un mélange de
plusieurs styles et l’intérieur blanc et jaune pâle est plutôt sobre. Elle
renferme 5 chapelles dont celle de Nuestra
Señora de Lourdes qui reproduit la scène de l’apparition de la Vierge à
Bernadette.
Au nord du Parque
Central, la Plaza de la
Independencia rend hommage aux héros de 1821 avec en son centre un
obélisque et un canon. Tout autour, les façades des maisons sont ultra colorées
et on reste en admiration devant les magnifiques demeures de style andalou,
dont la Casa de Los Leones
reconnaissable à son portail en pierre.
Malgré les pillages et les tremblements de terre, comme
toute ville coloniale, Granada ne
manque pas d’églises. On a aimé le style simple de l’Iglesia de San Francisco dont le couvent abrite un musée. Sur les
murs de l’une des cours, des fresques racontent l’histoire simplifiée du pays
sur des fresques murales (seules photos autorisées).
Sur le chemin qui mène au lac, dans l’Iglesia de Guadalupe, on a surpris une classe d’écoliers venus pour
la prière, suivie d’un chant plus ou moins juste sous les accords du maître à
la guitare. L’extérieur est totalement décrépi et la rue déserte pourrait nous
amener à penser que le bâtiment est abandonné. Mais une fois à l’intérieur,
sous les voûtes jaunes et blanches soutenues par des piliers bleus, on a
l’impression d’être dans une autre église !
Les façades baroques de l’Iglesia de La Merced (1539) ne
sont pas en meilleur état mais à nouveau, l’intérieur semble fraîchement
repeint. Outre sa beauté architecturale, l’intérêt de cette église est la vue
de son clocher qui donne sur les toits de la ville, face à la cathédrale avec
le lac en arrière-plan. Vers le sud, on peut deviner le bâtiment du mercado central et plus loin, les
contours du volcan Mombacho. Concentrés
sur nos appareils photo à mitrailler tout azimut, on a peine remarqué la montée
d’un jeune garçon, venu sonner les cloches pour annoncer la messe du soir et
qui a bien failli nous rendre sourds !!!
L’Iglesia de Xalteva,
du nom donné à la région par le peuple indigène Chorotegas vivant sur ces terres avant la colonisation, a préféré
soigner la rénovation de l’extérieur plutôt que l’intérieur en bois peint en
vieux beige. Il faut bien une exception…
En cherchant nos billets pour le Panama à l’agence Ticabus, on explore les ruines de
l’ancien hôpital San Juan de Dios.
D’abord étonné que l’édifice délabré ne soit pas fermé au public, on visite
chacune des salles et on s’imprègne de l’atmosphère lugubre mais intrigante.
Les habitants racontent que l’endroit est hanté et ils en découlent moult
histoires fantasmagoriques. Inauguré en 1905, le bâtiment a été abandonné en
1998.
Une autre curiosité fait partie de certains guides, la Fortaleza la Polvora, tout à l’ouest du
centre. Fermé aux visiteurs, il s’agit d’un fortin construit en 1749, autrefois
utilisé par les hommes de Somoza pour
interroger et exécuter les opposants !
Complètement à l'opposé, se trouve le Lago Cocibolca de son nom indigène qui signifie "mer douce". Le Lac du Nicaragua est le plus grand d'Amérique Centrale et dispose d'un éco-système comportant plusieurs espèces endémiques dont le seul requin d'eau douce au monde. Il suffit de longer son rivage pour se rendre compte que le lac peut être aussi agité que la mer et les fortes rafales génèrent des vagues qui rendent parfois la navigation difficile.
Tout cet environnement est aujourd'hui menacé par la construction très controversée d’un canal interocéanique long de 280 km devant concurrencer celui de Panama (77 km). Il devrait permettre le passage de super conteneurs de 450 m ayant des tirants d’eau de 28 m ; c’est ballot quand la profondeur moyenne du lac est de 18 m, il faudra draguer sévère !!! Cette idée de relier les 2 océans via le lac Nicaragua ne date pas d’hier, remontant au XVIe siècle avec les premiers conquistadors. Même Napoléon III en a rêvé…
Ce chantier pharaonique de 50 milliards de dollars est entrepris par un obscur consortium chinois avec à sa tête un magnat des télécoms qui a fait fortune dans les mines d’Asie du Sud Est. La presse officielle, qui n’a pas été invitée à l’inauguration en catimini le 22 décembre dernier, ne manque pas de soupçonner l’intervention à peine dissimulée du gouvernement chinois. Il enrichirait au passage les poches du Président ex-sandiniste qui au nom du canal, a modifié la constitution, pouvant ainsi briguer de nouveaux mandats ! Ce dernier fait miroiter les retombées d’un tel projet pour le peuple nicaraguayen avec la création de 50000 emplois et les recettes d’exploitation. Mais à priori, seule la moitié des emplois promis sera destinée aux Nicas et le consortium ne reversera que 1% des droits de passage !!! A suivre…
On réserve notre dernier jour dans la Grande Sultane pour la visite de Las Isletas, un archipel de 350 îlots qui se sont formés il y a
près de 10000 ans après l’éruption du volcan Mombacho. On nous les promet fabuleuses et riches de plusieurs
espèces d’oiseaux à photographier. Malheureusement, la pluie en décidera
autrement et nous cantonnera dans les hamacs du patio de notre auberge de
jeunesse !! La faute à pas de bol, surtout qu’il est extrêmement rare
qu’il tombe la moindre goutte à cette époque de l’année…
Pour compléter cette ballade de la ville, voici une sélection de photos d'Adèle qui a été très inspirée par les couleurs éclatantes des maisons, y compris celles dans les quartiers plus modestes :
De Granada, il est
très facile de se rendre sur le rivage d’un autre lac, beaucoup plus petit
cette fois, la Laguna de Apoyo.
Résultant de l’explosion du cratère d’un volcan il y a plus de 20000 ans, cette
étendue d’eau turquoise de 43 km2 est également une réserve protégée qui abrite
plus d’un millier d’espèces de plantes, d’arbres, d’animaux terrestres et de
poissons dont certaines endémiques.
De nombreux tours proposent la visite sur une journée mais
on préfère y passer 3 nuits. Les activités ne manquent pas, outre lézarder sur
une plage de sable noir, on peut y faire du kayak, du snorkeling, du hiking et
du vélo. Après des mois à goûter l’eau salée de l’Océan Pacifique, c’est assez
curieux de nager dans une eau douce.
Notre activité
favorite ? Le soir venu, on attend que la lune apparaisse derrière les
restes de contreforts de l’ancien volcan et on observe sa montée progressive
dans le ciel avant qu’elle ne disparaisse derrière les nuages.
Là-bas, on recommande l’hostel
Paradiso tenu par Didier, un français d’origine grenobloise. On y mange
bien à prix corrects et on a pu se régaler avec une excellente fondue
bourguignonne, pas vraiment locale mais comme ça fait du bien !! Il
organise des shuttles à partir de
plusieurs hostels de Granada, dont l’Oasis, une “usine à backpackers“ où
nous sommes restés 3 nuits !
Après la visite des deux villes coloniales du pays, il reste
la question du choix ? León ou Granada ? Libéraux ou
conservateurs ?? Révolutionnaires ou pirates ??? Les deux valent le
coup d’être visitées mais, à la splendeur largement exploitée de la Grande Sultane, on a préféré le charme presque
plus authentique de sa fausse jumelle libérale. Mais ce n’est qu’une question
de temps ! Tout comme Cuzco, San Miguel de Allende ou le Cerro Concepción de Valparaiso,
il suffira de quelques années pour que toutes les demeures du centre de León soient reconverties en hôtels de
charme ou en restaurants branchés…
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