7-8/2.
Comment une région aussi moche que celle d’Agra peut-elle contenir d’aussi beaux joyaux architecturaux : Fatehpur Sikri, le fort d’Agra et bien sûr le célébrissime Taj Mahal ??? On en a traversé des villes moches et crades à la circulation cauchemardesque mais Agra remporte la timbale !! Et on n’a pas eu de bol car la semaine où l’on débarque se tenait un congrès mondial d’ophtalmologistes qui ont fait la razzia de toutes les chambres disponibles. Et comme par hasard, Agra était la seule ville en 3 semaines où l’on n’a rien réservé du tout et l’on pensait trouver facilement un hébergement sur place…

Un peu plus à l’ouest, se trouve Jama Masjid, une impressionnante mosquée mélangeant style perse et
indien. Pour y accéder, on emprunte un large escalier aux marches interminables
avant de se déchausser, en restant éberlué devant la monumentale porte de la Victoire,
Buland Darwaza, qui culmine à 54m de
hauteur ! La cour intérieure est aussi énorme que la porte qu’on vient de
passer et on y découvre le tombeau de marbre blanc de Shaikh Salim Chisti qui avait prophétisé à Akbar la naissance d’un
héritier tellement attendu (son fils Jehangir).
Pour cette raison le mausolée est très visité par des femmes désireuses d’avoir
un fils. Encore aujourd’hui en Inde, avoir une fille est toujours considéré
comme une “plaie“ par les familles qui doivent constituer une dote pour réussir
à trouver un mari ! Mais j’y reviendrai…
Une fois à Agra, on s’est rendu directement au fort qui
surplombe la rivière Jamuna qui a
également été construit par l’empereur Akbar en 1565. “Simple“ forteresse au
départ, il devint un palace lorsqu’il fut complété par plusieurs bâtiments
additionnels par Shah Jahan,
petit-fils d’Akbar et constructeur du fameux Taj Mahal.

Pour parcourir la forteresse, on s’est laissé convaincre à
l’entrée par Kamal, un jeune guide
francophone à la langue bien pendue mais cependant très sympathique et avec un
humour corrosif surtout au sujet des femmes et des belles-mères… j’ai
adoré ! Il ne s’est pas contenté de nous raconter l’histoire du fort, il
nous a également parlé de sa vie et notamment de son mariage… arrangé, comme le
veut la tradition. Il nous expliqua qu’il n’a pas vu sa femme avant le jour de
la noce (et encore, elle était voilée jusqu’au soir !) et ce sont les
beaux-parents qui sont venus le trouver en lui proposant une substantielle dote
contenant une voiture, un écran plat et des meubles !! Raconté avec humour
et un accent indien, ça peut faire sourire mais en y repensant, ce n’est
finalement pas si marrant. En insistant pour en savoir plus sur cette coutume
ancestrale, Kamal nous avoua que durant toute la première année sa femme
s’enfermait dans sa chambre pour pleurer. En Inde, lorsqu’une fille se marie,
elle quitte son foyer et rejoint celui de son mari qu’il partage souvent avec
ses parents et ses grands-parents. Après le mariage, la jeune épouse ne reverra
que très rarement sa famille et cette séparation est d’autant plus difficile
qu’elle est obligé de s’unir à un inconnu qu’elle
n’aimera avec le temps………. ou pas ! Mais notre Kamal reprend vite son air enjoué et nous confie être
très content d’avoir eu une voiture qu’il n’aurait jamais pu se payer si
jeune !!
La visite du fort terminée et avec le soleil couchant, notre
chauffeur nous a déposé en face du Taj Mahal sur l’autre rive de la rivière
Jamuna. Le spectacle est magnifique et le soleil rougit la façade ouest du
palace.
Après ce crépuscule un peu magique, on a assisté à un autre spectacle qui l’était beaucoup moins et dont nous étions les acteurs : trouver une chambre d’hôtel !! Jusque là, Adèle a toujours booké notre hébergement à l’avance via des sites comme Booking, Agoda, Airbnb, Hostelworld, etc. Mais pour Agra, on a écouté notre chauffeur qui nous déconseillait la guesthouse que nous avions réservé car trop éloignée à son goût du centre (environ 18 km) et dans un quartier qu’il ne connaissait pas. On a donc annulé notre chambre et on s’en est remis à Gulati pour nous trouver un hébergement. Mais c’était sans savoir qu’il y avait un congrès mondial d’ophtalmologistes ayant raflé toutes les chambres de la ville et multiplié les tarifs par 5 pour les rares disponibles !! Et c’est ainsi, un peu claqué après 6h de bagnole et les visites de Fatehpur Sikri et du fort d’Agra, qu’on s’est retrouvé à faire la tournée des hôtels !! Après 1h30 et une quinzaine d’établissements visités, la fatigue et l’agacement commençaient à nous faire monter en température. Les seules chambres disponibles étaient des taudis où il fallait dormir habillé dans des draps tâchés et déchirés. Idem dans la minuscule salle de bain où il était plus prudent de mettre ses tongs sur les carrelages cassés aux joints noircis et à la robinetterie tellement rongée par le calcaire qu’un litre de Viakal n’aurait pas suffit à enlever la croûte verdâtre !! Et tout ça au même prix qu’une nuit dans un haveli à Udaipur…
Lassés, nous en étions à préférer dormir dans la voiture quand notre chauffeur est allé voir la disponibilité dans un hôtel “gouvernemental“ réservé normalement aux Indiens. L’établissement était à 8 km du centre dans un quartier où nous étions les seuls étrangers et attraction de la petite rue où Gulati avait garé sa voiture. Toute la foule de la rue nous observait avec insistance et surtout Adèle, largement matée par tous les mecs ! On avait déjà fait tous les hôtels de la rue avant de revenir bredouille à la voiture et cette fois notre chauffeur est parti seul. Après 10 min d’attente, il revient en nous annonçant que le réceptionniste veut bien nous accepter. En découvrant l’hôtel au fond d’une impasse lugubre, on se rend compte qu’on avait déjà vu le bâtiment lors de nos recherches à pied et qu’on l’avait éliminé d’office vu l’état de la façade extérieure… N’ayant plus rien à perdre et ne voulant pas froisser le chauffeur, on visite la chambre et surtout la salle de bain qui se révèlent encore assez correctes pour y passer les quelques heures avant la visite du Taj Mahal le lendemain à l’aube. L’établissement a de plus un restaurant et un bar qui nous permet de ne pas sortir de l’enceinte, sur le conseil (appuyé) de Gulati qui ne connaît pas la sûreté du quartier !! Ambiance…
Le tarif de la nuitée nous convenait, la bouffe indienne était correcte et la bière pas chère ! On a finalement passé une très bonne soirée à débriefer de cette folle journée tout en déquillant des Kingfisher Strong afin de nous donner du courage pour aller dormir dans notre “palace“ !!!


A partir de là, on se caille encore plus car il faut se
déchausser et une fois en chaussettes, on se rend compte que le sol en pierre
est gelé, ce qui accélère quelque peu la visite !! Une fois au plus près du
mausolée et encore plus à l’intérieur, il est difficile de décrire la beauté du
monument sans cumuler les synonymes de magnifique, éblouissant, merveilleux,
etc. Il faut vraiment voir de ses propres yeux, le travail d’orfèvre effectué
sur le marbre avec jusqu’à 43 sortes de pierres semi-précieuses incrustées sur
le cénotaphe de Mumtaz Mahal. En approchant le faisceau d’une lampe de poche
sur l’une des pierres, on peut distinguer la lumière qui se diffuse à
l’intérieur et qui dévoile sa transparence.
Evidemment sur un tel site malgré le temps pourri et l’heure
matinale, il y a un milliard de pèlerins qui se précipite pour poser devant
tout et n’importe quoi. Dès l’entrée, je rage pour faire une photo correcte
mais très vite je tire profit de la symétrie du Taj Mahal pour prendre des
meilleurs clichés des façades Est et Ouest beaucoup moins fréquentées que
devant l’allée centrale avec ses fontaines.
Malgré la courte nuit et les conditions moyennes, la visite
du Taj Mahal est un moment magique où ce joyau d’architecture fait oublier la
triste histoire de l’origine de sa construction. Jamais un tombeau ne respira
la vie comme celui-ci et on peut sentir l’acharnement de Shah Jahan à réaliser
un bâtiment aussi beau, aussi parfait et aussi pur que son amour pour sa femme
disparue.
La triste histoire du Taj Mahal et de Shah Jahan :
Le Taj Mahal est
souvent décrit comme le monument le plus extravagant construit par amour. En
1631, l’empereur Shah Jahan perdit sa 2ème femme, Mumtaz Mahal, lorsqu’elle donna
naissance à leur 14ème enfant. Cette disparation laissa le souverain
inconsolable car de toutes ses femmes, c’était la seule qu’il aimait d’un
tendre et profond amour. Il est dit qu’il passa toutes ses nuits à pleurer et
que ses sujets entendaient ses sanglots dans tout le fort et même à la mosquée
lorsqu’il se recueillait pour prier. En souvenir de sa bienaimée, il démarra la
même année la construction de ce gigantesque mausolée qui ne fut fini qu’en
1653 et nécessita quelques 20000 hommes. Le Taj Mahal est une merveille
architecturale, totalement symétrique et entièrement en marbre blanc, la pierre
fétiche de Shah Jahan. Les murs sont incrustés de pierres semi-précieuses qui
dessinent des motifs floraux dont les couleurs sont aussi éclatantes que des
vraies fleurs !

Parmi les nombreuses
(fausses) légendes autour du Taj Mahal, certains guides aiment à raconter que
Shah Jahan voulait construire son propre mausolée strictement identique de
l’autre coté de la rive de la rivière Jamuna……… mais en marbre noir ! Et
ce serait pour stopper cette folie beaucoup trop onéreuse pour l’empire que son
fils le fit emprisonné. C’est aux mythes les plus déments qu’on reconnaît les
monuments les plus envoûtants…
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